Tu seras un homme…
Il y a un petit mois sortait dans toutes les bonnes librairies Pas si mâle, ma BD co-réalisée avec Line Hachem au dessin. Publié chez Nathan dans la collection Poestrip pensée par Charlotte Bousquet afin de faire un pont entre la poésie et les adolescents, Pas si mâle est l’adaptation de If, poésie de Kipling. C’est ma première adaptation et il fallait imaginer une version moderne. Il était donc naturel de parler des hommes en devenir. Pas ceux qui ont les plus gros muscles ou les plus grosses c**illes à poser sur la table, non, les vrais : ceux qui errent sans savoir véritablement ce que doit être un homme. Le genre masculin assumé, mais devant faire avec l’éducation patriarcale de notre société. Et je peux vous dire que ce n’est pas si simple. Personnellement, je pense avoir eu certains codes pour côtoyer les filles lorsque j’étais adolescent. Je me souviens qu’on me disait : « on ne frappe pas une fille/femme, même avec une rose » (ne jugeons pas pour le moment ce vieux dicton). Le sous-entendu était que si un jour je frappais une personne du genre féminin, l’ado que j’étais allait s’en prendre autant si ce n’est plus une fois rentré à la maison. Pas besoin d’être trop futé pour comprendre le rapport de force et donc éviter le pire. C’était une base solide et j’ai fait avec. Malgré tout, je me souviens d’avoir été un collégien très con, d’avoir mis une main aux fesses à une fille. Le retour a été une gifle. Évidemment, ça m’a fait réfléchir pour ne pas recommencer, je me suis excusé, mais ça, c’est la version courte. Je n’ai pas songé avant longtemps aux conséquences psychologiques de mon acte. Car ce que j’avais fait est banalisé par notre société, notamment parce que des stars qui pratiquent ces agressions sexuelles sortent la plupart du temps d’un palais de Justice avec l’équivalent d’une tape sur le bout des doigts (le pouvoir protège). Ce sont bien des agressions, des actes illégaux car on attaque une personne physiquement et psychologiquement. Et tout le monde devrait en être conscient.
Plus tard, j’ai appris au lycée les codes de rapport au genre féminin sur le tas grâce à toutes mes amies et copines : merci à elles ! : On était 10 garçons dans une classe de 40 en moyenne dans la classe, cela donne un autre regard. J’ai aussi appris grâce au dessin de modèle vivant. C’est-à-dire regarder le corps nu, masculin et féminin, sans y voir un objet sexuel ou de désir, en essayant de le rendre beau, quel qu’il soit : le respecter. Mais tout cela, notre société, l’école et le poids du patriarcat ne nous aident pas à le comprendre quand on est un ado (voire adulte). On peut même ajouter que l’école manque aussi de clés d’apprentissage sur la sexualité. La série Sex Education devrait presque être obligatoire avec tous ces corps qui changent et s’agitent lorsqu’on est adolescent. Et là, bien sûr, je ne parle que du rapport garçon-fille-hétéro, même pas des autres genres.
Au final, il y a eu la vie et les livres qui m’ont permis de comprendre les subtilités que l’on devrait inculquer aux garçons et surtout pourquoi. Notamment, pourquoi c’est horrible de transformer les femmes en proies par des gestes ou de simples regards. Pourquoi être un garçon c’est avant tout être humain : on a le droit de ressentir, de pleurer, de ne pas faire de muscu, de ne pas être dans un rapport de force permanent… donc de respecter toutes les autres personnes qui nous entourent. Et pour moi, If, le poème adapté en roman graphique, est un peu la quintessence de cela. L’adapter et le moderniser était donc un sacré challenge et heureusement pour moi, j’étais sous le regard de différentes femmes de générations différentes pour scénariser au mieux cette histoire. Et grâce au dessin de Lola, je crois que nous avons réussi cette adaptation.
*merci à Charlotte, Paola, Karine, Jeanne et Line.
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